vendredi 27 mars 2009

Alain Bashung : ma Place pour le 17


Je l’avais, je la tenais bien au chaud dans mon agenda depuis presqu’un an, ma place pour le 17 mars 2009. J’allais enfin voir Alain Bashung. Le dernier des grands mohicans de la chanson française que je n’avais pas encore pu voir sur scène.
Assez bizarrement d’ailleurs, je ne me souviens pas que les tournées d’Alain Bashung aient croisé la Touraine. En tout cas, j’allais réaliser un rêve, au Grand Rex à Paris, le 17 mars.
Puis vint l’annonce du cancer qui ronge, puis l’apparition du fantôme décharné aux Victoires de la Musique, où l’impression que le corps ne servait plus que d’un abri ultime pour la voix merveilleusement claire du chanteur.
Là, égoïstement, je me suis dit, pourvu que le temps lui laisse un espace suffisant pour que je puisse enfin contempler mon idole païenne. Et puis non…
Il reste la musique, les paroles lues et relues pour en extirper le meilleur, tenter de comprendre pourquoi ces mots mélangés, malaxés, torturés, ces phrases sibyllines, intrigantes, dérangeantes venaient s’ancrer au fond de nos mémoires, comme des citations accrochées aux oriflammes.
Ca avait commencé au temps de mes 25 ans avec des couplets emblématiques :

Alors à quoi ça sert la frite si t'as pas les moules
Ca sert à quoi 'cochonnet si t'as pas les boules
(Gaby Oh Gaby / Pizza / 1981)

Il jouait avec les mots, peut-être simplement pour le plaisir de sortir une blague

Au printemps, j’redoute qu’un des trois suisses me livre
(Helvète Underground / Passé le Rio Grande / 1986)

Mais peut être aussi pour parler, sans en avoir l’air, de son enfance alsacienne, chez ses grands parents, éloigné de sa mère, restée à Paris et d’un père qu’il n’a jamais connu.

Je suis né tout seul près de la frontière
Celle qui vous faisait si peur hier
Dans mon coin on faisait pas d'marmot
La cigogne faisait tout le boulot
C'est pas facile d'être de nulle part
D'être le bébé von dem hasard
(Elsass Blues / Roulette Russe / 1979)

Il veut se donner l’image du mec non fréquentable, du Gene Vincent du rock français,

Tu m'as gagné au bingo
C'était moi ou le chihuahua
D'accord je suis pas un cadeau
Je tâche un peu mais je ne déteins pas
Faut pas m'accuser de réception
Quand le coursier viendra me livrer
Sois chic prends-moi par le haut
J'aimerais autant que tu gardes tes bas
(Retours / Pizza / 1981)

Ne pas vouloir s’investir dans des relations à long terme,

Les grands voyageurs
Laissent dans le cœur des ardoises
Les grands voyageurs
Laissent les tuiles aux Tuileries
Cherchent des amuse-gueule au buffet de la gare
Trouvent des femmes seules pour hommes affamés
(Les Grands Voyageurs / Osez Joséphine / 1991)

Ou encore,

J'passe de sas en sas
Et mes visites s'espacent
Mes élans me courent et m'entraînent
Vers d'autres riveraines
Vers la grande inconnue
Loin du réconfort
(J’passe pour une caravane / Chatterton / 1994)

La vie doit être un tourbillon,

La vie c'est comme une overdose
Tu prends tout tout de suite
Tu en crêves et vite
Et si tu prends pas, c'est la vie qui t'a
(Je fume pour oublier que tu bois / Roulette Russe / 1979)

Et puis, avec l’âge, l’urgence se calme, les sens se posent, on découvre l’idée que les sentiments peuvent s’exprimer, sans honte, sans fausse pudeur. Ca fonctionne comment, un homme ?

Mes réponses allongées
Mes que dire
Mes que faire
Mais comment ça tient en l’air
Ces deux hémisphères
Par quel mystère
J’cloue des clous sur des nuages
Un marteau au fond du garage
J’cloue des clous sur des nuages
Sans échafaudage
(Volutes / Osez Joséphine / 1991)

Le rebelle se transforme, ne fuit plus, le poète s’exprime,
les confidences du bord des lèvres,

J’ai longé ton corps
Epousé ses méandres
Je me suis emporté transporté
Par delà les abysses par dessus les vergers
Délaissant les grands axes
J’ai pris la contre allée
Je me suis emporté transporté
(Aucun express / Fantaisie militaire / 1998)

L’homme se pose, se dévoile, se transparise,

À l'avenir
Laisse venir
Laisse le vent du soir décider
À l'avenir
Laisse venir
Laisse venir
L'imprudence
Tu perds ton temps
À te percer à jour
Devant l'obstacle
Tu verras
On se révèle
(L’imprudence / L’imprudence / 2002)

Commence à faire le bilan,

Ode à la vie
Elle a jonché d’or et de jade ma routine
Elle a jonché de sopalin des torrents de larmes
Mais l’ampleur m’a fait me fissurer
Ode à la vie
Ode à la parodie
Ode à la poésie
Ode à la vie
(Ode à la vie / Fantaisie Militaire : 1998)

Maturité ou vieillissement ?

Les pluies acides décharnent les sapins
J'y peux rien, j'y peux rien
Coule la résine
S'agglutine le venin
J'crains plus la mandragore
J'crains plus mon destin
J'crains plus rien
Le souffle coupé
La gorge irritée
Je m'époumonais
Sans broncher
(Angora / Fantaisie Militaire / 1998)

Maladie sournoise, mort qui rôde,

Peu à peu tout me happe
Je me dérobe je me détache
Sans laisser d’auréole
Les cymbales les symboles
Collent
On se rappelle
On se racole
Peu à peu tout me happe
(Happe / Osez Joséphine / 1991)

Lucidité,

Tout est brutal
Botté en touche
Tout à l'horizontal
Nos envies, nos amours, nos héros
(Je t’ai manqué / Bleu pétrole / 2008)

Et renoncement.

Mon ange je t'ai trahi
Tant de nuits alité
Que mon cœur a cessé
De me donner la vie
Si loin de moi...
(Tant de nuits / Bleu Pétrole / 2008)

En épilogue, une chanson, ma préférée depuis longtemps,
qui prend maintenant tout son sens et sonne comme le symbole des mots que j’associerai toujours à Alain Bashung : élégance, mélancolie, envoutement, discrétion, pudeur, délicatesse….

L'heure c'est l'heure
On n'est pas d'humeur
A verser des pleurs
Fières sont les ouvrières
Le jour en tailleur
Le soir en guêpière
Quand la mort vous susurre
Des serments veloutés
Que rien n'est moins sûr
N'aura plus d'importance
Ni la chaleur
Ni les piqûres
Api apiculteur
D'heure en heure
L'apiculteur se meurt
Trouve l'interrupteur
Une oasis
Aux allées bordées d'épagneuls
Que la splendeur n'effraie plus
Api apiculteur
(L’apiculteur / Chatterton / 1994)

Resteront les chansons, résonneront les mots, peut-être pendant des dizaines d’années.
Peut-être qu’un jour, dans le futur, un beau jeune homme s’approchera de ma petite-fille pour lui dire :

Gaby j't'ai déjà dit qu't'es bien plus belle que Mauricette
T'es belle comme un pétard qu'attend plus qu'une allumette
Ca me fait craquer, au feu les pompiers
(Gaby Oh Gaby / Pizza / 1981)

En attendant,

L'ecran floconne
Y'a plus personne
Silence
Silence
Mes anges se réconcilient
Si on se taisait
Silence je pense
Et puis non
(Silence mes Anges / Mes petites entreprises / 1998)

Adieu.


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mercredi 18 mars 2009

USA 2008 - Part 15 - San Francisco Hills

Mercredi 27 Août, nous changeons de quartier et décidons de faire un tour dans les quartiers plus résidentiels qui occupent les fameuses collines de San Francisco. Quand on est au milieu du Financial District (le quartier des affaires et des grands buildings), on ne peut pas s’imaginer que la péninsule sur laquelle est construite la ville est aussi vallonnée. Il suffit de passer dans les deux quartiers quelques centaines de mètres plus au nord, Nob Hill et Russian Hill (je me demande maintenant si notre expression « montagne russe » est une traduction du nom de ce quartier ou si c’est l’inverse) pour s’en rendre compte. Cette photo est prise depuis un « cable car » (on en reparle le prochain coup, c’est promis), qui part du point central de Union Square vers le nord par Powell Street. Vous voyez que ça grimpe bien. Malgré ces collines, les américains sont restés fidèles à leurs principes : les rues se coupent toujours en angle droit. Les croisements sont d’ailleurs les seuls endroits ou les routes sont planes. Ce qui explique les sauts que font les voitures dans les intersections dans les films (en profiter pour re-regarder Bullitt).

Là, nous sommes sur Lombard Street, certainement une des rues les plus chics de San Francisco avec ses maisons de style victorien. Ne me demandez pas pourquoi les américains ne font pas d’effort pour passer les câbles électriques en sous sol ; ca reste un mystère pour moi !

Toujours sur Lombard Street, nous sommes au pied de la partie la plus connue de tous les touristes. Dans cette courte descente en sens unique, huit virages en épingle à cheveux au milieu de bacs de fleurs. Ca s’appelle Crookedest Street : la rue crochue !

Cette fois, nous sommes en haut de Crookedest Street. La vue est magnifique. On aperçoit dans le fond la baie de San Francisco avec le pont Bay Bridge qui permet de traverser la baie pour se retrouver à Oakland et Berkeley. En plein centre de la photo, la célèbre Coït Tower. Ne délirez pas, son nom ne vient pas de sa forme « érecto-pénienne » ; la pudibonderie américaine ne l’aurait pas permis. En fait, elle a été érigée avec les fonds d’une madame Lillie Coït (si, si, c’est vrai), en hommage aux pompiers qui l’avaient sauvée des flammes quand elle était enfant. Elle est sensée représenter une lance à incendie !

I left my heart in San Francisco
High on a hill, it calls to me.
To be where little cable cars
Climb halfway to the stars!
(I Left my Heart in San Francisco – Tony Bennett /All Time Greatest Hits)

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